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La capacité en droit est souvent méconnue; son histoire est pratiquement inconnue. Et pourtant, semble-t-il, c'est en se référant à ses origines, à son évolution plus que séculaire que l'on peut mieux saisir les problèmes qui surgissent actuellement à propos de cette institution universitaire, objet d'attaques ou de louanges souvent excessives. L'objet de ces quelques lignes n'est pas de prendre parti dans cette querelle, mais d'apporter des éléments de réflexion historique qui aideront à cerner les divers aspects pédagogiques, scientifiques, sociaux de l'actuel " certificat de capacité en droit ". Deux étapes importantes peuvent être retenues dans son évolution, correspondant chacune à un siècle : le XIX°, de 1804 à 1905, le XX°, de 1905 à nos jours.
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Le " certificat de capacité ", a ses lettres de noblesse : il est mentionné dans la première loi relative aux Ecoles de droit, du 22 ventôse an XIII (13 mars 1804). Cette loi précise en effet les conditions pour devenir bachelier en droit (2 années d'études), licencié (3 ans détudes) et docteur (4 ans d'études) et prévoit dans son article 12 que ceux qui auront été examinés et trouvés capables sur la législation criminelle et la procédure civile et criminelle obtiendront un certificat de capacité. Les aspirants capacitaires ne suivent pas à cette date de cours particuliers; ils sont astreints à un régime d'études moins complet que leurs camarades qui visent la licence en droit, mais les côtoient sur les bancs des amphithéâtres pour assurer leur formation dans deux enseignements particuliers. Munis du diplôme de capacité, ils peuvent accéder à diverses fonctions publiques (avoués essentiellement mais aussi greffiers, huissiers, etc.) ou, plus rarement, privées. Le décret du 21 septembre 1804 (4e complémentaire an XII) reprend les dispositions de la loi, en précisant que les étudiants devront prendre quatre inscriptions (à cette date, il est exigé en effet quatre inscriptions par année universitaire, une par trimestre) ; sur l'attestation du professeur " quils ont assidûment suivi son cours, ils seront admis à passer leur examen devant deux professeurs ou suppléants. Pendant les années suivantes, un difficulté surgit à propos de ces " capacitaires en droit " : ayant obtenu le certificat de capacité, peuvent-ils ensuite sinscrire en Faculté pour obtenir le grade de bachelier puis de licencié en droit ? Le pouvoir consulte alors " plusieurs Facultés de droit ", puis le Conseil de lUniversité de France, qui entend (et suit) lavis de M. le Doyen de la Faculté de droit de Paris : un " arrêté relatif à lobtention des grades de bachelier et de licencié par les étudiants pourvus du certificat de capacité en droit " est publié le 5 novembre 1813. Cet arrêté décide que les titulaires de ce certificat devront faire " deux autres années détudes dans une Faculté " pour obtenir le grade de licencié, " à charge de faire, pendant ces deux années, les cinq autres cours prévus qui seront prescrits par le décret " (1). De cet arrêté, nous pouvons tirer deux conclusions : il suffit dune année pour obtenir le certificat de capacité, si le candidat suit les enseignements prévus ; par ailleurs deux autres années supplémentaires sont suffisantes pour obtenir la licence en droit. Une autre interrogation se fait jour les années suivantes. En effet, selon les termes mêmes d'une circulaire de 1820, " quelques-uns des jeunes gens qui se destinent seulement à devenir avoués " avaient été inscrits en capacité en droit sans avoir obtenu le baccalauréat ès lettres (= certificat de philosophie, selon la terminologie de l'époque). " Il est probable, précise la circulaire, quils demanderont également (à lavenir) à pouvoir prendre, sans être bachelier, les inscriptions qui seront nécessaires pour obtenir leur certificat de capacité ". La circulaire leur donne lautorisation, mais en ce cas, ces inscriptions doivent avoir une forme particulière et être portées sur un registre spécial ". Et, si ces capacitaires veulent poursuivre des études en vue de la licence, ils devront fournir la preuve qu'ils étaient, effectivement, au moment de leur première inscription, bacheliers ès lettres ou ès sciences. Les exigences de cette circulaire sont reprises par un décret d'octobre 1820 (2), qui ajoute par ailleurs un nouvel enseignement aux deux prévus en 1804 : " Art. 5. Les étudiants qui ne se proposent que dobtenir le certificat de capacité nécessaire pour exercer la profession d'avoué, suivront pendant une année le cours de procédure civile, et, à leur choix, le cours de droit naturel, ou le premier cours de Code civil. Art. 6.Dans les Académies des départements où il n'existe point de cours de droit naturels, les aspirants au certificat de capacité seront tenus de suivre le premier cours de Code civil, en même temps que celui de procédure civile Une double évolution se fait jour, entre 1820 et 1850, sans doute en raison du nombre de plus en plus élevé des candidats au certificat de capacité. D'une part, les examens se déroulent devant trois examinateurs (au lieu deux) à la Faculté de droit de Paris, puis quatre : cette mesure témoigne du caractère sérieux que lon veut accorder à ce diplôme. Mais dautre part, une ordonnance de 1830 (et non plus une simple circulaire) précise que les études de capacité ne sont plus prises en compte ni pour le baccalauréat ni pour la licence en droit. Les deux formations licence et capacité sont désormais bien séparées, ce qui est confirmé par une ordonnance de 1836 (3); les droits d'inscription et d'examen sont dailleurs sensiblement moins élevés en capacité qu'en licence (4). Ainsi, au milieu du XIXe siècle, la capacité à une destination propre (former les avoués et autres officiers ministériels) et elle se distingue de la licence en droit, qui ne peut être postulée que si le candidat a préalablement obtenu son baccalauréat.; Le contenu de lenseignement et de lexamen de la capacité est au contraire fort variable selon les Facultés : ici, comme à Paris, on enseigne encore la législation criminelle et la procédure civile et criminelle prévue en l'an XIII, ainsi que le cours de droit civil de deuxième année de licence (successions, donations, obligations), aux termes de larrêté du 1er octobre 1922 (5); ailleurs, on n'enseigne plus la législation criminelle, et l'examen de capacité porte sur le droit civil de première année, selon l'ordonnance du 4 Octobre 1820, qui na pas été expressément abrogée, ainsi que sur la procédure civile seulement... Ici, comme à Rennes, deux examinateurs suffisent; là, trois; à Paris et dans quelques rares Facultés, quatre. Il fallait unifier et la matière enseignée, et les examens exigés, ce qui fut fait par un arrêté du 20 juillet 1861 (6) : les capacitaires suivront dès lors les cours du code Napoléon de première et de deuxième année, ainsi que le cours de procédure civile et criminelle, étant entendu cependant que la procédure criminelle, " beaucoup moins utile aux étudiants de capacité "..., " ne doit avoir quune place très secondaire dans lenseignement quils reçoivent ". Trois professeurs étaient requis pour les examens : celui de procédure et ceux du droit civil de première et deuxième année. Ce nombre fut porté à quatre lorsqu'on dissocia le droit criminel de la procédure civile. |
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Il faut reconnaître, comme le signalait le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes au début du XXe siècle, que " toute cette organisation (de la capacité) avait été faite de pièce et de morceaux, sans aucun plan et sans aucune logique ", et que les résultats étaient " peu satisfaisants ". Une enquête avait été faite auprès des Facultés de droit en 1895; une discussion avait été menée au Conseil Supérieur de lInstruction publique sur la base dun rapport établi par le professeur Esmein. Il fallait organiser un enseignement rénové, alliant la théorie à la pratique, étendre le domaine des matières enseignées; la capacité devait former non seulement des clercs davoués, comme au XIX° siècle, mais aussi des fonctions professionnelles pour lesquelles aucun diplôme nétait alors exigé : celles de notaire, de juge de paix, de receveur de lenregistrement, de greffier. Une loi récente sur la proposition du Garde des Sceaux, venait dimposer le diplôme de capacité en droit pour les futurs juges de paix. Il fallait, et ce sont les termes mêmes du rapport ministériel, " faire des capacitaires de véritables étudiants ". Le décret du 14 février 1905 tente de réaliser ce projet. La capacité sétend désormais sur deux années, au lieu d'une, et ajoute aux matières enseignées jusque-là : le droit public, matière obligatoire en première année, et, en option pour la seconde année, le droit commercial ou le droit industriel, l'enregistrement ou le notariat (7) Le jury comprend quatre examinateurs, qui statuent selon le système de boules blanches, noires et rouges-noires (8). Lapplication du nouveau régime était fixée à la rentrée de lannée universitaire 1906-1907; des mesures transitoires très libérales étaient prévues pour les capacitaires en cours détudes. Les examens de capacité se déroulaient alors selon les mêmes modalités que la licence ou le doctorat : le jugement par le système des boules était rendu à la suite dépreuves uniquement orales. A la suite de la réforme des examens de licence, le décret du 4 mars 1932 impose, pour les examens tant de première que de deuxième année, une épreuve écrite dune durée dune heure, portant sur des " questions simples " (trois au minimum); et, comme en licence, le système des boules disparaît pour être remplacé par une note de 0 à 20. Un arrêté dapplication de ce décret précise à nouveau le programme des matières enseignées, qui ne change guère par rapport à celui élaboré en 1905. Il faut attendre le gouvernement de la IV° République pour voir apporter de légères modifications au régime de 1932, sans d'ailleurs qu'aucune suggestion soit faite sur les débouchés de la capacité, débouchés de plus en plus réduits du fait de l'exigence de la licence pour l'entrée de professions autrefois ouvertes aux capacitaires. Le manque de concertation préalable et sans doute de compétence de la part des rédacteurs du texte fit qu'un décret fut publié le 30 mars 1956, et qu'un autre fut nécessaire le 27 juin la même année pour modifier quatre articles du texte précèdent. Selon le décret de juin 1956, toujours applicable, !'enseignement de première année porte su le droit privé et le droit public; celui de seconde année sur la procédure civile et les voie dexécution, le droit pénal et la procédure pénale, léconomie politique, le droit administratif spécial, le droit privé notarial et le droit social. Sous réserve de respecter les horaires denseignement, on constate que lintitulé des matières de première année, fort vague, permet un aménagement différent selon les universités; de même, en seconde année, il est possible de remplacer le droit privé notarial et le droit social par d'autres enseignements, prévus par arrêté ministériel. Rien n'interdit par ailleurs aux Universités, à condition d'assurer le programme ministériel minimal, d'envisager un aménagement des programmes : ainsi, a Paris II, l'enseignement porte en 1re année sur le droit public, le droit civil et le droit commercial, tandis qu'en seconde année létudiant doit choisir six semestres sur un menu à la carte de neuf enseignements qui vont de la procédure civile à la comptabilité privée. Un autre changement intervient ensuite, sous la V° République: depuis 1961, le capacitaire qui obtient la moyenne de 12 sur 20 à ses examens peut demander à s'inscrire en première année de la filière menant à la licence (9) Par ailleurs, depuis 1968, les titulaires de la capacité en droit, ayant obtenu une note (10) égale ou supérieure à 14 sur 20 pour l'ensemble des notes des deux examens peuvent être dispensés de la première année du DEUG Droit. Dans certaines Facultés ou universités (notamment Paris Il) la question se pose de savoir pourquoi le gouvernement n'est pas revenu sur la solution appliquée au début du XIX° siècle : il était alors possible à tout " capacitaire " d'entrer directement en seconde année de licence en droit (année qui menait à la délivrance du baccalauréat en droit, depuis lors devenu le DEUG Droit). La réponse doit être cherchée essentiellement dans le volume horaire respectivement appliqué en capacité et en première année de DEUG. Le capacitaire est soumis à 160 heures de cours en première année, l60 également en seconde année, soit au total 320 heures, alors que la première année de DEUG comprend plus de 500 heures soit de cours soit de travaux dirigés. Et par ailleurs, les matières enseignées sont très différentes dans l'un et l'autre cursus. Néanmoins, dans certaines universités, comme nous venons de le voir, d'excellents étudiants, ayant obtenu la moyenne 14, sont considérés comme ayant une formation suffisante pour entrer directement en 2° année du DEUG Droit. Faut-il ajouter enfin que le capacitaire est placé en situation dinfériorité par rapport à létudiant de première année de DEUG en raison de l'absence de Travaux dirigés obligatoires. La réglementation de 1956 prévoit en effet simplement que " les facultés de droit peuvent organiser un enseignement pratique " et que " la participation des étudiants à cet enseignement est facultative "; certains établissements ont organisé ce type denseignement " pratique " soit en faisant appel au bénévolat soit en rémunérant des chargés de T.D. sur leurs fonds propres. Malgré ces handicaps, les postulants se pressent dans les amphithéâtres pour suivre les cours de capacité. Les statistiques sont difficiles à établir avec précision, dautant plus que les chiffres varient selon les organismes qui les avancent. On peut considérer cependant que le nombre des inscrits augmentent régulièrement : de moins dun millier au début du siècle, il est passé à près de 10.000 en 1976, puis à près de 18.000 en 1982... mais le nombre de ceux qui obtiennent leur certificat de capacité à la fin de la seconde année détude reste stationnaire : 1.324 en 1976-1977, 1.328 en 1982-1983. Ces chiffres risquent de diminuer prochainement, dans la mesure où le Centre National d'Enseignement par Correspondance (situé à Draguignan) qui compte plus de 2 000 inscrits, envisage de fermer ses portes, en raison de la surcharge de travail qui le frappe d'année en année : en effet, les Universités usant et abusant de leur autonomie, se sont ingéniées à diversifier les programmes officiels, à les compléter, à les aménager ce qui rend difficiles et parfois impossibles la cohérence et l'efficacité de l'enseignement par correspondance. * * * Les Facultés de droit sont les seules où existe un tel type d'enseignement où sont admis des non-bacheliers, et elles sont fières d'avoir assumé ce moyen de promotion sociale depuis plus de cent quatre-vingts ans : parmi les anciens capacitaires, on compte aussi bien des chefs d'industrie que des magistrats ou des professeurs de droit. Et tous nos collègues qui ont compté parmi leurs auditoires de licence des anciens capacitaires considèrent qu'ils figurent généralement au nombre de leurs bons étudiants. Les projets de reforme n'ont pas manqué et ne manquent pas. Ils visent trois objets. Les enseignements pourraient être modernisés, attaquer d'autres domaines que ceux actuellement en vigueur : on risque alors de tomber dans l'encyclopédisme, ou d'envisager au contraire une formation trop orientée vers la pratique. En second lieu, certains envisagent de faire accéder les capacitaires au cursus de licence, sans exiger de moyenne supérieure à 10 (11). D'autres enfin, insistant sur le fait que les postulants peuvent accéder à l'enseignement sous la seule condition d'âge (17 ans révolus) et sans baccalauréat voudraient refouler les capacitaires vers le Lycée, considérant que la capacité ne relève pas de l'enseignement supérieur, mais de lenseignement secondaire (12). Ces projets contradictoires, déjà proposés depuis plusieurs années, ont fait l'objet de discussions serrées lors du premier Congrès National des capacitaires en droit, tenu a l'Université Paris II les 25 et 26 octobre 1985. Jean Imbert |
Nous vous rappelons que les notes de bas de page ci-dessus ne sont qu'un extrait des annotations figurant au bas de l'article de J. Imbert. Vous pouvez utilement les consulter dans leur intégralité à la Revue de Droit Public : Jean Imbert, "ELOGE DE LA CAPACITÉ EN DROIT", R.D.P., 1986 (p 315 à 324)
Documents : |
Préface de J. Robert (RDP) Historique par J. Imbert (RDP) Historique par N. Olszak |