Quid de l'équivalence avec le BAC !

        par Richard de Beauregard - Paris

          On dit souvent que la Capacité en Droit est l'équivalent du BAC et, se fondant sur cette idée induite qu'il s'agirait d'une formation pré-universitaire, il n'est pas rare d'entendre les étudiants de Deug se faire fustiger par un enseignant d'un méprisant : " ça, c'est du niveau capacité ! ", blessant du même coup les capacitaires présents, ceux-là mêmes dont, par ailleurs, on ne tolère jamais qu'ils ne réussissent pas autrement que brillamment, comme s'ils avaient besoin de se faire pardonner de poursuivre des études supérieures sans avoir le BAC...

          Ces lieux communs, très présents dans le milieu universitaire, et par conséquent ailleurs, ne traduisent pourtant qu'une grande méconnaissance de l'originalité du diplôme de certificat de Capacité en Droit dont la promotion s'est émoussée au sein même des facultés de Droit au fur et à mesure que se multipliaient les filières, que s'affirmait un enseignement de masse et que s'estompait parallèlement la mémoire d'une tradition capacitaire pourtant vieille de près de deux siècles.

          En fait, même si la Capacité en Droit ne devrait pas être comparé au BAC, elle n'en est pas l'équivalent.

          Cela peut même sembler moins sous un certain angle puisqu'elle ne parait pas ouvrir droit à tous les accès ultérieurs qu'offrirait le BAC (1) et pourtant, globalement bien plus, puisqu'elle offre réellement de meilleurs accès et débouchés dans la spécialité qui est la sienne et qu'en définitive, c'est un VRAI diplôme qualifiant ! (2).

   

1 - La Capacité n'offrirait pas une aussi bonne accessibilité ultérieure que le BAC

 

          En premier lieu, la Capacité en Droit ne permet pas l'accès à toutes les filières universitaires (ou autres) que les bacheliers peuvent espérer intégrer. Ce premier point qui souligne que la Capacité en Droit est exclusivement cantonnée à la filière juridique mérite toutefois d'être nuancée. Certes, par exemple, le bachelier pourra s'inscrire dans une filière littéraire alors même que le capacitaire ne le pourra pas en l'état. Prétend-t-on toutefois que n'importe quel BAC permettrait d'intégrer n'importe quelle filière ? Évidemment non !

          En revanche, la Capacité en Droit permet d'être dispensé des deux épreuves " spécialisées " du DAEU option A (Diplôme d'accès aux études universitaires) qui ouvre la porte de toutes les filières des Sciences humaines, ne laissant plus aux capacitaires que l'obligation de passer deux épreuves d'expression. D'abord l'épreuve de français qui n'est bien souvent qu'une formalité. Au passage, soulignons que ceux qui prennent parfois appui sur les lacunes orthographiques et grammaticales effectives des capacitaires pour leur dénier d'avoir un niveau suffisant pouvant mériter l'équivalence du Bac, n'ont certainement pas corrigé récemment les copies des bacheliers inscrits en Deug. Reste l'épreuve de langue vivante qui peut, suivant les cas, s'avérer plus délicate puisque le programme de capacité ne comprend pas ce type d'enseignement. Ceux, qui parmi les capacitaires ont suivi des études secondaires complètes (plus du tiers aujourd'hui), ont évidemment plus de facilités dans cette épreuve linguistique.

          En second lieu, elle ne serait l'équivalent du BAC que pour l'accès à la fonction publique sous réserve de certains concours techniques. En réalité, comme le BAC et comme d'autres formations, la Capacité en Droit fait partie des titres ouvrant droit à passer tous les concours administratifs de niveau B classiques. Il ne s'agit ici nullement d'une équivalence mais d'une des possibilités de concourir, à l'égal des autres. Les concours dits " techniques " sont aussi restrictifs pour les capacitaires en Droit que pour les bacheliers.

          Par contre, bon nombre de candidats avouent volontiers s'être sentis mieux préparés grâce à la Capacité en Droit et il n'est pas rare de voir certains fonctionnaires de catégorie C, en particulier ceux ayant besoin du droit dans leur profession comme les fonctionnaires de police (mais pas seulement), venir tenter leur chance par la Capacité en Droit.

 

2 - Dans sa spécialité, la Capacité offre pourtant de meilleurs accès et débouchés que le BAC

 

          En premier lieu, dans la filière juridique, la Capacité en Droit permet, comme le BAC, un accès en première année de Deug Droit. Mais contrairement à un bachelier, eut-il une mention très bien, le capacitaire ayant obtenu une moyenne de 15 à son diplôme de capacité, peut accéder directement en deuxième année.

          Cette supériorité logique dans la filière juridique se confirme par un accès direct en seconde année du premier cycle des études notariales ou en seconde année de certains diplômes universitaires juridiques (par exemple, DU de secrétariat juridique). Doit-on pour autant s'étonner que certains capacitaires désirant notamment poursuivre des études supérieures, échouent finalement ? Et pourquoi un capacitaire ne pourrait il pas échouer quand un bachelier le pourrait ?

Or, malheureusement, près de 70 % des bacheliers sont dans ce cas. En dehors des débats sur la sélection qu'il faudrait instaurer à l'entrée de l'université ou sur l'inadaptation de l'université à ses nouveaux publics, personne ne vient pourtant en tirer la conclusion qu'il faudrait globalement fermer la porte aux bacheliers ni inciter les enseignants du secondaire à être plus sévères dans leur notation. C'est pourtant un raisonnement du même tonneau que l'on tient parfois à l'égard des capacitaires défaillants. Dans ce cas, au minimum, l'événement ne passe pas inaperçu au point qu'il aveugle certains qui croient pouvoir affirmer ensuite que le taux d'échec des capacitaires est vraisemblablement voisin des 100%.

          La réalité statistique est pourtant là pour les démentir puisqu'au contraire on estime globalement à près de 60% les chances de réussite d'un capacitaire. Nombre de Professeurs et Maîtres de Conférences des universités ou d'Avocats sont par exemple issus de la Capacité en Droit offrant même à cette formation le plus fort taux de promotion proportionnellement à ses effectifs. C'est aussi la formation la mieux représentée chez les TPG (Trésoriers payeurs généraux) depuis les débuts de la V° république, etc.

          En second lieu, la Capacité en Droit est un diplôme spécialisé se suffisant à lui-même. Résumé des quatre années que comportent les deux premiers cycles universitaires, la Capacité en Droit est une formation courte, légère mais panoramique du Droit. Aucune comparaison dévalorisante de niveau ne peut dès lors être établie entre cette formation synthétique et l'étude approfondie mais fragmentée et partielle que constitue la première année du Deug, voire le Deug lui-même.

          C'est la grande force de la Capacité en Droit d'être, au besoin, une fin en soi contrairement au BAC qui n'a aucune valeur marchande sur le marché de l'emploi. Corrélativement, le capacitaire n'est pas prédestiné à poursuivre des études supérieures, voire à poursuivre aucune autre formation.

          Ainsi, ne délivrer le diplôme qu'en fonction de l'aptitude éventuelle du candidat à poursuivre en Deug est une aberration. On peut être Capacitaire en Droit et n'avoir aucune aptitude aux études supérieures généralistes mais faire un bon professionnel, ou n'entreprendre par la suite que des études professionnelles qui n'auront pourtant rien à envier au final aux études universitaires pour l'individu concerné.

          C'est cette qualité de diplôme " qualifiant " qui est souvent oublié par les universitaires qui continuent à ne voir en la Capacité qu'un sous-BAC, relayés en cela par leurs étudiants, ainsi "instruits", trop conscients de la fragilité de leur propre situation pour ne pas tirer avantage à se sentir supérieurs à ces " braves " capacitaires.  Car c'est un paradoxe, comme pour mieux souligner le rang modeste dans lesquels on les tient inconsciemment, on ne tari généralement pas d'éloges sur le courage, le sérieux de ces capacitaires qui, à tout âge, osent faire en quelque sorte pénitence et braver le ridicule en reprenant leurs études... sous-entendu, pourquoi n'ont ils pas dépensés cette énergie en temps utiles ?...

          Nonobstant, ce caractère qualifiant est aussi parfois oubliée par ceux-là mêmes qui sont chargés de sa promotion et qui n'y voit qu'un BAC de seconde chance... Malgré cela, des professionnels, ou des étudiants du supérieur dans d'autres filières, comprennent parfois d'eux-mêmes quel appoint présente pour eux une formation comme la Capacité en Droit. Certains la préparent même en sus de leur cursus principal. S'ils ne sont pas les plus nombreux, ils s'en trouvent régulièrement dans les amphis de la Capacité.

          C'est peut-être cela la vraie supériorité de la Capacité en Droit : s'imposer malgré tout... Même si ce n'est pas suffisant à notre époque pour garantir la survie d'un diplôme ni ses débouchés, c'est du moins significatif de sa valeur. © R.D.B.


Faites nous connaître vos travaux et publications : Je vous informe de mes travaux
A vos plumes ou à vos claviers si vous souhaitez argumenter pour défendre la Capacité en Droit, réagir ou témoigner : Voilà ma contribution !