DESUP 2

LA CAPACITE EN DROIT ©

Rapport établi à la demande du Ministère de l’Education Nationale et présenté par

Edith JAILLARDON
Professeur à l’Université de Lyon 2
Doyenne de la Faculté des Sciences Juridiques

 

AVERTISSEMENT. La reproduction du présent rapport et son utilisation autre qu'à des fins strictement universitaires sont interdites. Pour la présente reproduction, nous avons respecté, autant que possible, la présentation originale choisie par l'auteur : caractères gras, soulignés, italiques. A l'inverse, contrairement à l'original, les notes de bas de page initiales, et de nouvelles ajoutées par nous (NDLR), sont renvoyées à la fin et font l'objet, de ce fait, d'une numérotation différente du rapport original.

 

Le Certificat de Capacité en Droit a été créé par le décret du 4 mars 1932 modifié par le Décret du 30 mars 1956 (1) (2) : ce qui en fait, à n’en pas douter, l’un des diplômes parmi les plus anciens puisque, nous aurons l’occasion d’y revenir longuement, il n’a, depuis cette dernière date, pas subi de changement significatif, pas plus dans son contenu que dans ses modalités d’organisation ou de contrôle des connaissances.

La Capacité en Droit a pour spécificité d’être :

          un diplôme court

          largement accessible (il suffit d’avoir 17 ans)

          reconnu comme un diplôme national

          permettant un retour vers des études universitaires à des salariés ou à des jeunes en situation d’échec scolaire (équivalence avec le baccalauréat et même, pour les meilleurs, entrée directe en deuxième année de DEUG Droit).

La Capacité en Droit est donc actuellement le seul diplôme national sanctionnant des études juridiques de base et donnant les connaissances juridiques nécessaires à la formation professionnelle de certaines catégories de salariés (notamment, les salariés des cabinets et études des professions juridiques et judiciaires, mais aussi des fonctionnaires des catégories B et C).

Cependant, malgré ses évidents atouts, le certificat de Capacité en Droit est un diplôme mal connu, dont l’organisation est la plupart du temps peu attractive (cours du soir exclusivement) : en un mot, il est aujourd’hui une formation marginale dans les Facultés de Droit qui continuent à l’assurer.

La "démocratisation " du Baccalauréat a ôté une partie (mais une partie seulement, nous y reviendrons) de sa justification à cette formation, l’augmentation du nombre de bacheliers en ayant, mécaniquement, diminué le public potentiel. Il faut ajouter bien sûr que la création d’autres filières courtes " plus modernes " par les Facultés de Droit (DEUST par exemple) ou par d’autres établissements scolaires (BTS) ou universitaires (DUT), pour ne citer que les plus connues, a contribué fortement à " donner un coup de vieux " à la la Capacité en Droit.

La rénovation de la plupart des cursus universitaires vient d’avoir lieu, le certificat de La Capacité en Droit est absent.

La place de ce diplôme est aujourd’hui mal définie, son image est vieillotte et ses potentialités mal connues.

L’objet de ce rapport est de décrire la situation actuelle du certificat de la Capacité en Droit, et celle-ci est plus diverse qu’il peut y paraître au premier abord.

Il s’agira ensuite, à partir des expériences d’ores et déjà en cours et des suggestions formulées à l’auteur de ces lignes, d’envisager des propositions permettant de redynamiser ce diplôme.

1 LA SITUATION ACTUELLE

 

La situation actuelle est, de manière quelque peu paradoxale, marquée à la fois par une grande rigidité de régime juridique et par une certaine diversité autant dans les constats que l’on peut établir à partir tant des informations recueillies dans les établissements que dans les appréciations portées sur une formation que la plupart regrettent de ne pas avoir valorisée.

Le régime juridique est, sommairement mais rigoureusement défini dans le décret du 30 mars 1956 (complété par le décret par le décret n° 56-646 du 27 juin 1956 et l’arrêté du 12 juillet 1956), rappelons le brièvement :

- La formation est obligatoirement organisée sur deux ans,

- Le programme des enseignements est défini réglementairement, non seulement pour ce qui est des disciplines composant le diplôme, mais aussi pour ce qui est de leur contenu (ce que les textes régissant les autres formations universitaires ont cessé de faire depuis des années et qui conduit à quelques curiosités, dans les dénominations des juridictions par exemple).

- Les modalités d’examen sont elles aussi très précisément organisées (le texte va jusqu’à prévoir la durée des épreuves).

Cette précision dans les détails ne s’accompagne pourtant pas, comme c’est le cas partout ailleurs, d’une procédure d’habilitation faisant notamment intervenir le CNESER (3).

Quels sont, dans la pratique, les contenus et modalités de l’enseignement du certificat de Capacité en Droit ? Qui sont les étudiants qui le fréquentent, comment " utilisent-ils " cette formation ?

Les informations qui suivent ont, pour une très large part, été communiquées par les responsables e Capacité en Droit des Facultés de Droit. Un rapide questionnaire avait été adressé à chacun dans ce but : les deux tiers d’entre eux ont répondu... Un tel pourcentage de réponses comme la richesse des commentaires et suggestions qui les accompagnaient n’ont pas laissé de surprendre l’auteur de ce rapport qui n’imaginait pas, mais en a bien sûr été très satisfaite, voir réserver un tel accueil à son étude...! Que ses collègues soient ici remerciés. Outre l’encouragement qu’ils ont représenté et le réel apport qu’ils ont constitué, ils témoignent en tout état de cause d’un véritable intérêt pour une formation méconnue qu’il est peut être temps de redécouvrir.

 

1.1. Le contenu du programme et les modalités d'organisation

1.1.1. Le programme d’enseignement

Les textes réglementaires définissant le programme d’enseignement de la Capacité en Droit ne laissent, au moins théoriquement que peu de place à une quelconque marge d’initiative de la part des responsables locaux. Qu’on en juge :

L’enseignement en vue du certificat de Capacité en Droit comprend les matières suivantes :

Première année : Droit privé : 120 heures

Droit public : 60 heures

Deuxième année : Procédure civile et voies d’exécution : 30 heures

Droit pénal et procédure pénale : 30 heures

Economie politique : 30 heures

Droit administratif spécial : 30 heures

L’enseignement de deuxième année comprend, en outre, les matières figurant sur une liste fixée, chaque année pour chaque faculté, par arrêté du Ministre de l’ Education Nationale sur proposition de l’assemblée de la faculté et après avis de la section permanente du Conseil Supérieur de L’Enseignement Supérieur. Cette liste comporte au moins deux matières. " (Article 3 du décret du 30 mars 1956).

En précisant, de manière très détaillée, les modalités de l’examen de la deuxième année, et notamment les matières sur lesquelles doivent porter les épreuves, l’article 9, résultant d’une modification introduite par le décret du 27 juin 1956, impose en réalité les deux matières que le texte précédent laissait en suspens, à savoir le Droit privé notarial et le Droit social (pour 30 heures chacune).

C’est le schéma que les deux tiers des Facultés ont adopté.

Quant au tiers restant, les aménagements concernent essentiellement :

- l’adjonction de séances de Travaux Dirigés (à Reims, Saint Etienne, Grenoble, Nancy par exemple), d’ailleurs prévue à titre facultatif par le texte, avec ou sans contrôle continu : selon les cas, les séances de travaux dirigés accompagnent tout ou partie des matières enseignées en première et deuxième année, elles peuvent aussi avoir lieu sous forme de regroupements bimestriels ou trimestriels des étudiants, qui peuvent alors bénéficier de conseils méthodologiques et effectuer des travaux écrits les préparant à l’examen de fin d’année.

- quelques modifications de détail, telles que le remplacement d’une matière de deuxième année par une autre (Droit privé notarial, Economie politique, Droit social par exemple), l’augmentation du volume horaire dans certaines matières (140 heures, au lieu de 120, pour les matières de première année par exemple), la réduction de l’ampleur du programme officiel prévu par l’arrêté du 12 juillet 1956 (de manière à centrer l’enseignement sur les points essentiels du programme), l’ajout de matières (Comptabilité privée en deuxième année par exemple).

1.1.2. Les modalités d’enseignement

Les modalités d’enseignement du certificat varient, selon la nature des établissements préparant à la Capacité en Droit :

- Les Facultés de Droit organisent généralement la Capacité en droit selon le schéma traditionnel, c’est à dire en cours du soir (la plupart du temps 3 fois par semaine). Cependant, quelques unes ont innové et bloquent les enseignements sur une journée ; l’une d’elles (Nancy a proposé deux formules (cours du soirs ou cours bloqués sur une journée) et a supprimé la première devant le succès rencontré par la deuxième.

- Une dizaine de villes moyennes assurent également (comme centres délocalisés de l’Université voisine, en général) une préparation à la Capacité en Droit. Elles organisent cet enseignement, soit, traditionnellement en cours du soir, soit en cours par correspondance.

- Enfin, et c’est là sans doute un indice de l’intérêt que présente cette formation, un certain nombre d’établissements privés (une dizaine), notamment spécialisés dans l’enseignement à distance, organisent une préparation à la Capacité en Droit. Cette préparation est bien évidemment payante : son coût s’échelonne entre 1 000 et 3 000 F, inscription au diplôme en Faculté en sus. Elle consiste à aider les usagers sur le plan méthodologique (documentation, travaux écrits corrigés, examens blancs...).

1.1.3 L’expérience originale de la Faculté des Sciences Juridiques, Université de Lyon 2

L’Université des Sciences Juridiques gère un certificat de Capacité en Droit depuis sa création il y a vingt ans.

Organisée de manière traditionnelle (3 soirs par semaine, enseignements prévus par le texte de 1956, la seule exception de la substitution d’un enseignement de Droit fiscal à la place du Droit privé notarial en deuxième année), la Capacité en Droit connaît depuis 3 ans des apports de " sang neuf ".

Il s’agit, en premier lieu, des étudiants inscrits dans les DEUG de sciences humaines (lettres, langues, histoire, sociologie...) qui choisissent comme " Dominante 2 " (c’est à dire un bloc de 2 U.V. leur donnant une formation complémentaire et leur permettant, le cas échéant, d’envisager une réorientation en connaissance de cause et à partir ce cet acquis de départ) une partie des enseignements de la Capacité en Droit : la présence de ce public nouveau à coté du public habituel, composé de salariés et de jeunes en échec scolaire, si elle n’a pas entraîné une amélioration substantielle des résultats en termes de réussite aux examens, a, selon les enseignants, contribué à donner un certain dynamisme à l’auditoire et a, en tous cas, renouvelé leur intérêt personnel pour cette formation.

Il s’agit, en deuxième lieu, et surtout, du " couplage " de la Capacité en Droit avec une filière courte de premier cycle : en d’autres termes, l’étudiant inscrit dans une telle formation termine sa scolarité de deux ans avec deux diplômes, celui de la Capacité en Droit et un autre, qui peut être, soit un DEUST " Assistant de gestion ", soit un Diplôme d’Université " Secrétaire Juridique ".

Dans l’un et l’autre cas, le schéma choisi consiste, à partir des enseignements juridiques de base contenus dans la Capacité en Droit, à ajouter :

1) Les enseignements nécessaires à la formations d’un collaborateur disposant,

- d’une part d’une bonne culture générale (enseignement d’Histoire des faits politiques et économiques depuis 1789 et deux enseignements d’Introduction au Droit, à l’Economie et à la Gestion) ;

- d’autre part, d’outils polyvalents de gestion lui permettant d’offrir ses services aux responsables des P.M.E., P.M.I., entreprises publiques ou para publiques dans le premier cas, aux juristes des banques, compagnies d’assurances, professions libérales dans le second. Des enseignements, très axés sur la pratique, de Bureautique, dactylographie, comptabilité générale, organisation du travail, expression écrite et orale, anglais, communication et aide à la recherche d’emploi... sont aussi dispensés aux deux formations.

2) Les enseignements spécifiques à chacune des deux formations, en fonction de leur principales orientations, constituent la partie restante :

- marketing, informatique, comptabilité analytique, contrôle de gestion et analyse financière, économie d’entreprise techniques commerciales... pour le DEUST,

- recherche de jurisprudence et documentation, travaux dirigés sur les procédures civile et commerciale, le droit civil et le droit social... pour le DU.

3) A cet ensemble s’ajoutent deux modalités devant faciliter l’insertion au monde du travail :

- la première entre la première et la deuxième année (stage obligatoire de 5 semaines durant l’été)

- la seconde en deuxième année selon la formule de l’alternance (2 jours de formation en faculté, 3 jours en milieu professionnel).

L’expérience est récente : deux ans il est donc très difficile de tirer des conclusions définitives, et, de plus, des évolutions sont d’ores et déjà en cours.

Pour des raisons administratives et réglementaires, la Faculté a ainsi dû renoncer à la formule de départ née de la rénovation des DEUG. Le schéma permettait une réorientation rapide aux étudiants prenant conscience de leur inaptitude à la poursuite d’études longues. Il était le suivant :

- qu’ils souhaitent s’inscrire en DEUG Droit, en DEUG AES ou dans l’un des diplômes courts, tous les étudiants participaient à un trimestre commun d’orientation composé d’enseignement d’histoire des faits politiques et économiques depuis 1789, de deux enseignements d’introduction (au droit et à la gestion) et de deux séries de conférences de méthodes (juridiques et économiques).

à la fin de celui-ci, après évaluation et conseils individuels d’orientation, les étudiants faisaient le choix définitif de filière, soit première année de DEUG droit, soit première année de DEUG AES, soit première année de DEUST " assistant de gestion ", soit première année de DU " secrétaire juridique ".

Sans doute intéressant dans son principe, mais trop ambitieux pour les moyens disponibles, ce mécanisme d’orientation n’est aujourd’hui maintenu que pour le choix entre la filière Droit et AES : depuis 1985, il permet chaque année à 12 à 15 % des étudiants de rectifier leur choix de départ et d’éviter ainsi une erreur d’orientation.

Le bilan provisoire que l’on peut dresser permet de dégager les éléments suivants :

Un premier point positif peut être tiré du très bon résultant à l’examen de Capacité en Droit par les étudiants inscrits dans deux formations parallèles. Ce résultat (95 % de réussite) est à mettre en évidence particulièrement quant on le compare (nous y reviendrons dans le paragraphe suivant) à ceux obtenus par les étudiants inscrits dans la seule Capacité en Droit (de l’ordre de 10 à 15 % des inscrits selon les années). Les difficultés que rencontrent généralement les étudiants de Capacité sont en partie résolues par l’existence des enseignements spécifiques à l’autre diplôme court auquel ils sont inscrits en parallèle. Ce résultat montre clairement que les enseignements de la Capacité doivent être " accompagnés " d’un ensemble de soutiens (notamment méthodologiques et d’expression écrite et orale) permettant à l’étudiant de tirer un meilleur parti de la formation offerte. Ce constat rejoint une remarque du Doyen de Nantes, observant que les résultats de la Capacité délocalisée à la Roche sur Yon sont meilleurs que ceux obtenus à Nantes, en attribue la raison à la motivation que représente la préparation parallèle aux concours administratifs.

Un deuxième point positif est à considérer : les deux formations courtes organisées à Lyon 2 sont plus particulièrement destinées aux bacheliers des séries G et aux et aux étudiants ayant suivi sans succès une année d’études universitaires (notamment Droit et AES). Elles peuvent donc être un instrument de réorientation dynamique après abandon d’études longues inadaptées. Ces formations sont également ouvertes aux salariés en activités ou en reprise d’études (demandeurs d’emploi, congés individuels de formation....) : elles peuvent alors constituer un instrument de promotion ou de réinsertion professionnelle.

Un troisième point positif est à retenir : la formule a retenu l’attention des milieux professionnels concernés qui y ont vu :

- une formation complète : la Capacité en Droit garde sa valeur de Diplôme national reconnu offrant une formation juridique de base, les enseignements complémentaires permettant alors de donner une compétence orientée vers la pratique faisant de ces jeunes des techniciens immédiatement opérationnels :

- une motivation supplémentaire pour leurs salariés (deux diplômes pour une formation de deux ans) qui peuvent alors suivre la formation dans le cadre d’un congé formation ou d’une formation continue en accord avec l’employeur.

Une équipe de jeunes enseignants anime l’ensemble de ce cursus original. Il est bien certain que le schéma mis en place doit " se roder " : doivent ainsi notamment être évalués (et peut être réajustées) les parts respectives des enseignements " théoriques " et des enseignements pratiques ainsi que l’articulation des formations reçues à la Faculté et de celles reçues en milieu professionnel.

1.2. Les étudiants de Capacité en Droit

Si l’organisation de la Capacité en Droit reste globalement fidèle aux schémas traditionnels, l’observation des étudiants inscrits au certificat montre que la situation a évolué. L’évolution est nettement perceptible s’agissant du " profil " des étudiants. Elle l’est moins quand on analyse leurs résultats (ce qui constitue bien sûr un argument supplémentaire pour que des améliorations soient proposées : ce sera l’objet de la deuxième partie de ce rapport).

1.2.1. Le " profil " des étudiants de Capacité en Droit

Si l’on prend en compte les cinq dernières années, les chiffres semblent montrer un certain déclin des effectifs d’étudiants inscrits en Capacité en Droit ; ce constat, pour exact globalement qu’il soit, doit cependant être nuancé, quelques variations peuvent en effet être relevées dans certaines facultés, même si peu d’entre elles peuvent faire état d’une nette augmentation.

Les raisons de cette relative désaffection sont certainement à rechercher, outre l’ignorance dans laquelle se trouve souvent tenu ce diplôme, dans la mise en place dans toutes les villes, petites, moyennes ou grandes, de nombreuses formations ayant peu ou prou la même fonction de promotion sociale, que ce soit par les établissements publics d’enseignement publics d’enseignement, par des établissements privés ou par des organismes consulaires. Inchangée depuis des décennies et donc victime d’une image un peu " vieillotte ", la Capacité en Droit a perdu une grande partie de son attrait aux yeux d’une population titulaire du Baccalauréat dans une proportion beaucoup plus importante qu’auparavant.

Les caractéristiques de ces inscrits sont, elles, assez sensiblement différentes de ce qu’elles étaient il y a quelques années. En effet, à peu près partout, les responsables du certificat constatent que leur auditoire a changé : dans la moitié des Facultés, il est d’ores et déjà aujourd’hui composé majoritairement de jeunes en situation d’échec scolaire. L’image d’un public de salariés (employés très souvent) venant suivre, après leur travail en journée, des enseignements leur permettant d’aspirer à une promotion professionnelle et sociale est donc très largement à revoir...

Après quelques " petits boulots " sans intérêt, conscients de l’impasse dans laquelle ils se trouvent et à la recherche d’un substitut au Baccalauréat qui serait, à leur yeux, le " sésame " leur permettant d’envisager une formation diplômante, ces jeunes d’en possèdent pas, semble-t-il dans la plupart des cas, le niveau de " culture générale " requis (notamment, en expression française). Ils sont dès lors très vite rebutés par le caractère théorique des enseignements qui leur sont proposés et abandonnent en masse la formation.

C’est là un constat essentiel : le taux d’abandon en cours de première année en Capacité en Droit est l’un des plus forts qui soient puisqu’il atteint taux moyen dépasse 54 % (dans les Facultés qui ont bien voulu répondre à notre demande d’information sur ce point). Considérable, ce pourcentage moyen est largement dépassé dans certains endroits, il peut atteindre 70 et même 80 %...

Les résultats obtenus aux examens ne contribuent à améliorer l’image de la formation, tout au moins pour la première année.

1.2.2. Les résultats aux examens

Massivement désertée, la première année de Capacité en Droit ne conduit donc qu’une minorité de ses auditeurs jusqu’à l’examen de fin d’année. Ces trois dernières années, seuls 30 à 35 % de ces " rescapés " ont été, en moyenne, admis en deuxième année (information communiquée par les responsables de la Capacité en Droit).

C’est dire que les effectifs de la deuxième année sont réduits à une poignée d’auditeurs, quelques dizaines au mieux, en moyenne une trentaine en 1992-1993 (mais avec des écarts importants selon les Facultés : de 4 à 174 à Paris).

C’est dire aussi que le nombre final de diplômés est très faible : dans les Facultés pour lesquelles des informations précises ont été transmises, il a diminué ces trois dernières années, passant de 23 en moyenne en 1990 à 18, toujours en moyenne, en 1992. Même si ces nombres moyens recouvrent des écarts considérables entre les Facultés (de 4 à 94 à Paris...) et n’ont donc qu’une pertinence limitée, on ne peut manquer de relever qu’ils sont le reflet d’une déperdition extraordinaire : ils représentent, en moyenne, moins de 8 % des effectifs de première année...

Plus positivement, on peut aussi observer que les deux tiers des étudiants inscrits en deuxième année obtiennent leur diplôme. C’est dire qu’un véritable " écrémage " a eu lieu en première année (mais pas forcément à l’examen, on l’a vu...) et que seuls des étudiants (ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment qu’ils en ont le statut) déterminés, courageux et aussi certainement de qualité ont pu surmonter les différents obstacles rencontrés.

1.2.3. Les poursuites d’études

On l’a dit, le diplôme de Capacité en Droit a traditionnellement comme raison d’être de donner la possibilité à des personnes à des personnes qui n’ont pu, pour des raisons diverses, terminer leurs études secondaires et donc obtenir le Baccalauréat d’accéder à un équivalent qui leur permettra de commercer des études supérieures, notamment en Droit (mais aussi, de manière dérogatoire, en AES).

Sous cet angle, le certificat de Capacité en Droit remplit très correctement son office puisque, d’après les renseignements communiqués par les Facultés, en moyenne :

- Plus de 63 % des diplômés en 1991-1992 sont entrés en première année de DEUG -Droit,

- et un peu plus de 10 % (toujours en moyenne) ont directement intégré la deuxième année de DEUG-Droit, alors que, on le sait, une note moyenne de 15/20 est exigée de ceux-ci.

Globalement, les trois quarts des titulaires de la Capacité en Droit poursuivent donc des études en Faculté et, la plupart du temps peut-on ajouter, dans de bonnes conditions : même si aucune statistique n’est disponible sur ce point, beaucoup d’enseignants ont eu l’occasion de rencontrer des étudiants dans ce cas en Licence ou Maîtrise et même en Doctorat (ce qui a conduit certains d’entre eux à devenir des collègues).

Conclusion

La Capacité en Droit est, à l’évidence, dans une situation peu favorable. Résumons la :

- un programme encyclopédique, figé, abstrait,

- des modalités d’enseignement inadaptées à l’auditoire (absence quasi-générale de Travaux Dirigés, cours le plus souvent le soir),

- un public hétérogène, composé de plus en plus de jeunes en situation d’échec scolaire majoritairement " allergiques " à ce type d’enseignement très traditionnel et vite découragés.

- une formation rapidement abandonnée par des auditeurs très mal encadrés et donc largement laissés à eux -mêmes.

Néanmoins, cette formation a des atouts qui pourraient être mieux mis en valeur :

- elle conduit à un diplôme nationalement et conventionnellement reconnu

- dont les titulaires voient leurs compétences unanimement appréciées

- qui remplit sa fonction de " deuxième chance " pour un certain nombre de ceux qui ont dû, à un moment, abandonner leurs études secondaires.

Elle pourrait être une formation plus attractive et plus efficace...

SUITE ( 2° partie : Les propositions de réforme)

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(1) NDLR. En ne considérant que la période réglementaire contemporaine, puisque la création initiale date du 13 mars 1804 !

(2) Le décret n°69-42 du 13 janvier 1969 n'a que très légèrement complété le texte de 1956, donnant au Doyen la possibilité de déroger exceptionnellement à la condition d'âge requise (17 ans au 1° novembre) pour l'inscription au certificat.

(3) NDLD. CNESER = Conseil National de l'Enseignement Supérieur Et de la Recherche